lundi 5 novembre 2007

Article de presse, L'Indépendant (1er novembre)

Opération toutes tables dehors à l’université contre l’autonomie

Pour les initiés, la journée d’action d’hier n’a pas vraiment été une surprise. Depuis des semaines, la gronde se faisait sentir, par une multiplication des réunions et des slogans affichés sur les murs de l’Université de Perpignan. Et hier, l’assemblée générale "décisionnelle" réunie en amphi est passée au vote. "Nous avons voté par 143 voix pour l’abrogation de la loi d’autonomie, à 106 voix pour le principe de grève, et pour le vidage des salles", explique Nicolas, l’étudiant de comité de mobilisation délégué aux relations avec la presse.

Aussitôt voté, aussitôt fait. Les unes après les autres, qu’un cours ait lieu ou pas, et avec très peu d’exceptions, les salles sont vidées de leur mobilier. Les étudiants ont d’ailleurs prévu d’occuper l’amphi 4 jusqu’à jeudi prochain, et de dormir sur place afin d’éviter que le mobilier soit remis en place, chaque matin. Mais attention, préviennent-ils, le but du comité de mobilisation n’est pas la confrontation.

"Ce que nous voulons, c’est appeler un maximum d’étudiants à venir assister à la prochaine assemblée générale, qui devrait se tenir jeudi prochain. Souvent, la plupart d’entre eux ne peuvent venir parce qu’ils ont des cours, alors en empêchant les cours de se dérouler, et en allant à leur rencontre pour leur expliquer nos motivations, nous espérons en faire venir le plus possible".

Les motivations, justement, parlons-en. La loi d’autonomie des universités, publiée au Journal Officiel le 11août dernier, fait effectivement l’objet d’une opposition farouche dans diverses universités de France, comme à Rouen, Toulouse, ou encore Aix-Marseille, frappée d’une fermeture administrative. "Elle prévoit l’entrée des intérêts privés dans l’université, et le désengagement de l’État, qui finance jusqu’à 80%, poursuit Nicolas. Or, cette entrée de partenaires économiques leur donne un droit de regard sur le conseil d’administration, sur la présidence, sur les filières…C’est la mort à petit feu des filières "non-rentables" pour eux, comme les Lettres et Sciences Humaines. Et puis, l’université de Perpignan, c’est 44millions d’euros de budget, plus des dettes… Les entreprises ne pourront pas tout payer, et c’est la part des étudiants qui va augmenter. On va arriver à des frais d’inscription dépassant les 2000 euros!"

Quoi qu’il en soit, la confrontation que le comité voulait éviter aura bien lieu. Et l’opposition à l’opposition, cette fois, n’a pas attendu que le mouvement s’ancre dans la durée pour dénoncer. "Seules 66 personnes ont voté pour le vidage des salles! Et les personnes qui ne voulaient pas faire grève n’étaient pas admises dans l’amphithéâtre, pas même le vice-président étudiant, raconte pour sa part Thomas, un étudiant audois venu hier pour rien. C’est totalement antidémocratique. D’autant plus que ces personnes ne représentent pas les étudiants de Perpignan. Les meneurs, issus de SUD-Etudiant, ne sont même pas étudiants, et n’ont aucun élu dans les conseils de l’université, ils n’ont aucune légitimité. Que l’on soit contre la loi, c’est compréhensible. Mais là, les étudiants commencent à en avoir ras le bol, et on commence à arriver à une limite".

De leur côté, les grévistes rétorquent qu’"une semaine de perdue, c’est peut-être pour un enseignement de gagné". Entre les deux camps, le conflit semble bel et bien engagé…

Barbara Gorrand (L'Indépendant)